Un revenu de base au Québec: qu’en pense l’Assemblée Nationale ?

L’objectif de Revenu de base Québec est de faire connaître le concept du revenu de base au plus grand nombre de citoyens mais aussi d’en informer le plus possible nos décisionnaires politiques. Certains députés et ministres au Québec tel que Harold Lebel ont marqué leur intérêt mais la plupart n’ont pas encore signalé de position claire. Afin d’être proactif dans cette démarche, nous avons envoyé un courriel aux 125 députés qui constituent l’Assemblée Nationale: ———- Cher membre de l’Assemblée Nationale, Suite à la parution du rapport du gouvernement sur le revenu minimum garanti aux conclusions pour le moins confuses, la société et les médias québécois se sont emparés du débat. Les opinions du public sont parfois tranchées et passionnées, ce qui démontre l’intérêt du Québec pour le sujet. Pourtant, la classe politique québécoise est restée majoritairement silencieuse. Revenu de base Québec est un mouvement qui vise à faire connaître le revenu de base au Québec afin d’accélérer sa mise en oeuvre. Dans le cadre de cette mission, nous souhaitons connaître l’avis et la position de chaque membre de l’Assemblée Nationale. Et vous, le revenu de base, qu’en pensez-vous? Pouvez-vous répondre aux deux questions suivantes: 1) Êtes-vous pour ou contre le principe d’un revenu de base au Québec? 2) Êtes-vous pour ou contre un projet-pilote de revenu de base au Québec tel que celui en cours en Ontario? Nous comprenons qu’il peut être difficile d’avoir une position pour ou contre sur le sujet et serions ravi de publier votre opinion, même si ce ne sont que quelques lignes, sur notre blog et de la partager au sein de notre communauté qui compte déjà plusieurs milliers de personnes. Inconditionnellement vôtre, L’équipe de Revenu de base Québec ———- N’hésitez pas à nous faire parvenir les positions déjà connues si certains députés se sont déjà prononcés dans les médias ou à l’assemblée et pourquoi pas interpeller votre député par courriel, via les médias sociaux ou la prochaine fois que vous le croisez !

Vous êtes né au Québec? Voici combien ça vaut…

Comme le fameux investisseur Warren Buffet a dit, être né dans un pays développé avec un système de droit, des infrastructures et l’accès à des écoles est un avantage important dans la vie. Mais, les avantages ne sont pas également partagés parmi les membres de la société. Même si vous êtes né au Québec votre situation à la naissance peut varier beaucoup, si vous êtes né dans une famille aisée, dans une communauté autochtone ou dans une famille immigrante – votre accès à la richesse commune de la société québécoise n’est pas bien partagé. En principe, la richesse commune qui a été bâtie par les générations précédentes devrait être partagée équitablement parmi tous les nouveaux citoyens. Bien sûr, ce n’est pas le cas et ne le sera possiblement jamais. Mais, nous croyons qu’on devrait tenter de se rapprocher d’une société où tous les citoyens et citoyennes partent d’un pied d’égalité. Un moyen de faire cela est d’instaurer un revenu de base qui serait financé via un retour sur notre richesse collective. La question revient à déterminer quelle valeur on accorde à notre richesse collective. La richesse collective de la société est composée de nombreux éléments tels que notre infrastructure physique, notre système de droit, notre système de santé, notre système d’éducation, les sociétés d’État, les ressources naturelles, les droits de diffusion de télécommunications et bien d’autres choses qu’on tient pour acquises tous les jours  – bref, c’est le capital public de la société. D’une certaine manière nous avons déjà établi la valeur de notre richesse collective via nos programmes d’investisseurs étrangers. D’une manière assez directe, on vend des résidences permanentes à des étrangers et cette résidence permanente permet par la suite d’obtenir la citoyenneté pour soi-même et pour sa famille. Par exemple, aux États-Unis, on peut se procurer un visa EB-5 pour 1 million de dollars d’investissement. Au Québec, on peut prêter $800,000 pendant cinq ans à Investissement Québec et obtenir la résidence permanente. Si on prend un retour moyen sur le capital de la Caisse du dépôt du Québec, soit environ 7%, cela veut dire qu’on vend la résidence permanente à environ 7% de $800,000 par an multiplié par 5 ans, donc $322,041. Si on plaçait ce $322,041 pour chaque adulte au Québec à partir de l’âge de 18 ans et qu’on lui versait les intérêts (7%) de ce placement, cette personne aurait un revenu de base mensuel de $1,880 ! C’est donc la valeur que notre gouvernement et notre société ont décidé d’allouer à la richesse collective de notre société, puisque c’est le montant auquel on vend le droit d’en devenir membre. http://www.immigration-quebec.gouv.qc.ca/en/immigrate-settle/businesspeople/applying-business-immigrant/three-programs/investors/index.html https://www.uscis.gov/working-united-states/permanent-workers/employment-based-immigration-fifth-preference-eb-5/eb-5-investors

Revenu minimum et revenu de base

Ce n’est pas la même chose! Pour s’y retrouver, ces définitions tirées de Wikipedia:

«Le revenu minimum est un niveau minimal de revenu que les États décident de garantir à tous leurs citoyens. Les étrangers en situation irrégulière ne sont pas concernés (…). Des critères d’âge sont utilisés ((…); sous cet âge il est considéré que les parents doivent subvenir au besoin des individus). Par ailleurs, ce revenu est modulé en fonction du type de ménage (nombre d’enfants). D’autres aides peuvent être simultanément accordés aux citoyens les plus pauvres (…). «Le revenu de base (ou allocation universelle) est un cas spécifique de revenu minimum. La seule condition pour obtenir le revenu de base est en général la citoyenneté ou la résidence dans le pays concerné. Par conséquent, le revenu de base est universel et inconditionnel, et n’est pas soumis à un contrôle préalable des ressources. La logique du revenu de base vise à simplifier davantage le système de protection sociale tout en supprimant totalement les trappes à pauvreté, ainsi qu’à diminuer l’effet de stigmatisation qui accompagne souvent le fait de devoir demander à obtenir le revenu minimum.»

Rencontre avec le ministre qui a écrit un livre sur le revenu de base

Le 12 et 13 novembre dernier, j’assistais à un congrès tenu par le Parti libéral du Québec qui dirige actuellement la province. Le ministre de l’Emploi et de la Solidarité sociale, François Blais, accompagné de son collègue aux finances de l’État, confirmait qu’un comité d’experts rendrait un rapport préliminaire sur le revenu de base au printemps. L’Ontario (dont la population avec celle du Québec forme 62% de la population canadienne), province voisine, vient tout juste de livrer un document de travail sur un projet pilote qui démarrerait en avril 2017. Québec ne semble pas envisager l’idée d’un projet pilote. Durant son exposé, le ministre Blais accordait beaucoup d’importance aux principes sous-jacents au développement du projet de son gouvernement :
  • Le développement du capital humain (comme l’éducation, par exemple)
  • L’obligation de se protéger contre certains risques (avec, par exemple, l’assurance chômage et santé)
  • La redistribution des revenus
Le discours du ministre était fortement centré autour des incitatifs au travail ou à la formation (spécialement pour les analphabètes ou les personnes sans diplôme d’études secondaires). Le principe d’inconditionnalité, aspect fondamental du revenu de base, ne fait donc pas partie du plan du gouvernement. À la deuxième journée du congrès, c’était au tour du ministre de me demander s’il avait répondu à ma question. J’avais décrit ma situation personnelle comme cas de figure. J’ai 62 ans, donc trois années me séparent de ma pension de vieillesse du Canada, laquelle suffit généralement pour sortir les gens de la pauvreté (en tout cas, ça fonctionne pour moi!). Pourquoi le gouvernement s’intéresserait-il au développement de mon capital humain? Le ministre répond : « Dans un cas comme le vôtre, il faudrait reculer dans le temps pour voir quels sont les choix que vous avez faits. » J’ai plusieurs diplômes universitaires qui n’aident pas son argument. Je suis néanmoins sous-employé ou bien non employable. Le ministre ne pouvait que répondre : « J’aurais besoin d’en connaître plus sur votre cas particulier. » Et c’est ce que le gouvernement fait et fera encore à toutes ces personnes qui sont considérées comme étant « aptes au travail ». Un petit inconvénient bureaucratique pour celles « inaptes au travail » sera supprimé et leur insuffisante prestation sera bonifiée, en puisant à même les fonds autrefois utilisés pour les personnes « aptes », à mesure que celles-ci reprennent le boulot. Le gouvernement ne voit aucun problème avec la loi adoptée dernièrement (Loi 70 : Loi visant à permettre une meilleure adéquation entre la formation et l’emploi ainsi qu’à favoriser l’intégration en emploi). Le gouvernement souligne les mesures positives qui sont imposées pour aider les participants à intégrer le marché de l’emploi. Les personnes qui préfèrent une approche non paternaliste (« Donnez-moi l’argent et laissez-moi faire mes propres choix ») sont pénalisées. En fait, l’ironie, c’est qu’avant d’entrer en politique, le ministre Blais a écrit un livre pour défendre un revenu de base pour tous. Et il m’a confirmé qu’il croit toujours en ce qu’il a écrit il y a 15 ans. Au Canada, les gouvernements fédéral et provincial remboursent tous deux la taxe de vente partiellement. Ici, au Québec, le Crédit de solidarité rembourse en partie la valeur estimée qu’ont payée les consommateurs. Plus votre revenu annuel augmente, plus le transfert mensuel diminue. Il fonctionne donc comme un impôt négatif sur les revenus. Le ministre s’est fait questionner au fait que ça pourrait être un premier échelon vers un revenu de base. Il a seulement répondu que cela constituerait « une approche plus radicale ». Évidemment, les crédits d’impôt n’ont pas d’impact sur le « capital humain ». Vous pouvez être certains que je lirai à nouveau le livre de François Blais lorsque le rapport de son groupe d’experts nous parviendra l’an prochain. *** Texte de Pierre Madden, originalement publié sur BasicIncome.org | http://basicincome.org/news/2016/12/canada-meet-minister-wrote-book-basic-income/

Ni universel, ni individuel, ni inconditionnel

C’est à Voltaire que l’on doit ce bon mot: le Saint Empire romain n’était en aucune manière ni saint, ni Romain, ni empire. De la même manière je suis convaincu que le Revenu de Base, qui sera probablement implémenté dans les dix prochaines années, ne sera ni universel, ni individuel, ni inconditionnel, caractéristiques qui le définissent pourtant.

Une allocation universelle est tout simplement trop chère. Seul l’Alaska peut se permettre de distribuer une part de ses revenus de pétrole à chaque habitant, homme, femme et enfant. Donner à tous le même montant pour en récupérer une bonne part sous forme d’impôt peut sembler illogique. C’est pourquoi la plupart des propositions sérieuses sont conçues sous forme d’impôt négatif sur le revenu (INR). En fait, il existe déjà dans les systèmes fiscaux canadiens fédéral et provincial des mécanismes qui fonctionnent comme INR avec déboursement réguliers.

L’unité de base de notre société c’est la famille. Les statistiques sont tenues par ménage. Un individu n’est qu’un couple divisé par la racine carrée de deux. Ceci n’est en partie que la reconnaissance des économies d’échelle de la vie collective. Il n’en coute pas quatre fois plus pour vivre dans une famille de quatre que de vivre seul, seulement deux fois (le cout de vivre seul fois la racine carrée de 4). Au Québec, deux individus, sur l’aide sociale, partageant un appartement recevraient chacun $623 par mois pour un total de $1246. À un moment donné, le gouvernement va considérer qu’ils sont conjoints de fait et couper leurs bénéfices à $965 en tout (le gouvernemnt ne suit pas la règle de la racine carrée). Le fait que ces personnes ne partagent pas le même lit ou sont frère et soeur n’est pas pertinent. Líndividualité systématique soulèverait le problème de “la femme du banquier”. Le banquier est très riche, mais sont épouse qui reçoit tous les bienfaits de cette richesse n’a aucun revenu personnel et serait éligible aux subventions. Bien sûr, on plaide avec raison que ces femmes (de tous les niveaux sociaux) sont souvent prisonnières, incapables, par exemple, de fuir une relation abusive.

Finalement, les gouvernements sont réticents à abandonner la conditionnalité des bénéfices, relent paternaliste de la distinction entre les pauvres méritants et non méritants. L’engagement d’une démocratie libérale à fournir à tous une éducation de qualité n’est pas du paternalisme, mais la reconnaissance d’un droit fondamental. Ce droit s’étend aux citoyens à la fin de la vingtaine, début trentaine à mesure que les emplois pour cette génération disparaissent et que ceux qui demeurent requièrent plus de qualifications. Aujourd’hui tous les programmes d’aide gouvernementale non reliés à la santé reposent sur la condition de recherche d’emploi. L’aide elle-même ne doit en aucun cas compromettre l’incitatif au travail. Il y a un côté économique à cette position: la peur de la flambée des salaires, la chute des profits et l’écrasement de l’économie si personne ne veut plus travailler. L’autre part est idéologique: le travail et les études sont là pour développer et protéger le “capital humain.” La sagesse gouvernementale plutôt que la liberté individuelle décide comment ceci est défini.

Bien que je sois optimiste que le Revenu de Base verra le jour de mon vivant, je suis prêt a accepter une version imparfaite et laisser aux générations futures la tâche de l’améliorer.

***

Texte de Pierre Madden, originalement publié sur BasicIncome.org | http://basicincome.org/news/2016/12/neither-universal-individual-unconditional/