Ce balado de Gérald Fillion (RDI économie) consacré au revenu de base est à compter parmi les couvertures médiatiques les plus intéressantes, sérieuses et de qualité que l’on ait eues en ces temps de virus…
Gérald Fillion y reçoit les universitaires Geneviève Tellier (U. Ottawa) et François Blais (U. Laval), ce dernier ex-ministre. On peut ne pas être d’accord avec leurs prises de position, mais grâce aux questions très justes de Fillion, ils décrivent posément l’état de la question, et son futur probable.
Les «bullshit jobs», selon David Graeber, sont des emplois rémunérés et pourtant inutiles, superflus et même néfastes pour certains, dont les travailleurs mêmes (et parfois leurs supérieurs aussi) savent qu’ils sont inutiles ou néfastes.
Dans la traduction française de son livre sur le sujet, on les appelle les «emplois à la con».
On trouve une bonne description critique de la théorie de Graeber sur Wikipedia. On peut être d’accord ou non avec son opinion assez extrême; après tout c’est un anarchiste libertaire avoué et actif. Mais c’est aussi un anthropologue de renom et un professeur à la très sérieuse London School of Economics et sa théorie s’appuie sur une grande quantité d’entrevues qu’il a menées lui-même et sur des statistiques officielles.
Il ne prend pas de position politique, ni ne fait des de proposition de solution sur les emplois inutiles. Cependant, il constate que le «revenu universel de base» donnerait le pouvoir de les quitter et la liberté de s’occuper à un travail qui a du sens personnellement et socialement.
Son livre se termine par une question que toute personne militant pour un «revenu universel de base» se pose:
«À quoi ressemblerait une société authentiquement libre?»
Ces vidéos vous donneront le moyen de connaître rapidement ses idées; et l’envie de lire son livre…
La pandémie que nous subissons actuellement donne à réfléchir, c’est le moins que l’on puisse dire; entre autres sujet de réflexion, il y a le rôle que pourrait y jouer un revenu universel, temporaire ou non, afin de diminuer les difficultés que toute urgence nous fait connaître.
L’Institut Brookings a publié récemment un article de Ugo Gentilini qui soutient que dans la lutte contre COVID-19, il pourrait bien y avoir un rôle pour un revenu de base universel unique, mais qu’une délibération minutieuse est nécessaire pour établir si c’est la meilleure réponse politique.
Il fait cinq propositions d’utilisation d’un tel revenu pour lutter contre une pandémie. Selon lui, les expériences précédentes d’interventions permettent de tirer cinq leçons. Elles concernent: – les risques d’inflation, – les tensions sur les systèmes de distribution, – la communication, – la synchronisation avec d’autres filets de sécurité – et l’utilisation de crises temporaires pour apporter des changements permanents.
Dans un communiqué récent, à l’approche du dévoilement du budget 2020-2021, le Collectif pour un Québec sans pauvreté rappelle quelques urgences au gouvernement Legault, dont:
Mettre en œuvre le revenu de base
Extrait:
«Voilà près de deux ans que le projet de loi visant l’instauration du programme de Revenu de base a été adopté et le règlement visant sa mise en œuvre n’a toujours pas été édicté, souligne Serge Petitclerc en terminant. Rien ne justifie un tel report. Rappelons que ce programme est censé assurer des revenus à la hauteur de la MPC [Mesure du panier de consommation] aux personnes avec des contraintes sévères à l’emploi, en plus de les exempter de plusieurs des conditions et pénalités inhérentes aux autres programmes d’aide de dernier recours.
«Le Collectif tient à ce que le règlement soit adopté rapidement afin de confirmer que les gens auront bel et bien accès à un revenu leur permettant de couvrir la totalité de leurs besoins de base et aux autres mesures promises comme l’individualisation des prestations, l’exemption des gains de travail et l’exclusion unique de 500 000 $ pour la valeur des biens et les avoirs liquides. Le gouvernement a créé de telles attentes avec ce programme que tout recul serait intolérable.»
L’expérimentation de revenu de base en Ontario a été arrêtée en plein élan par le gouvernement Ford, après seulement un an sur les trois prévus, on le sait. Ce qu’on sait moins, c’est que le projet était accompagné d’une évaluation sérieuse de ses résultats, qui a été abandonnée aussi, bien sûr. Voici une étude qui a voulu y pallier.
Extrait: «En plus d’interrompre prématurément les paiements aux bénéficiaires en mars 2019, le gouvernement a également annoncé qu’il mettrait fin aux activités d’évaluation à partir de juillet 2018. En conséquence, les précieuses connaissances et expériences des bénéficiaires du revenu de base risquent d’être abandonnées et perdues. Le présent rapport vise à combler partiellement cette lacune en donnant un aperçu des effets du revenu de base sur la vie des bénéficiaires dans les comtés de Hamilton, Brantford et Brant.»
Interrogé sur ce rapport, Todd Smith, le ministre de l’enfance, des services communautaires et sociaux, a répondu au nom de Ford par l’argument habituel pour esquiver le sujet, le retour au travail d’abord et avant tout: “Un projet de recherche qui n’a porté que sur 4 000 personnes n’est pas une solution adéquate pour résoudre le problème dans une province où nous avons beaucoup trop de personnes vivant de l’aide sociale … Ce que nous faisons, c’est en fait prendre des mesures pour que les gens puissent retourner au travail”. Voir: Huffington Post. Or, justement, l’un des effets bénéfiques prouvés de l’expérimentation est que les trois quarts de ceux qui travaillaient ont continué à le faire et un quart des travailleurs à bas salaire ont accédé à des emplois mieux rémunérés. De toute évidence, le ministre a rejeté une étude qu’il n’a pas lue.
Plusieurs autres effets bénéfiques ont été notés.
Pour en savoir plus: écouter cette entrevue à CBC avec l’un des auteurs de l’étude, le professeur Wayne Lewchuk de l’université McMaster.