À la demande d’un sénateur, le Bureau du Directeur parlementaire du budget a rédigé un rapport intitulé Estimation des coûts reliés à un revenu de base garanti pendant la pandémie de Covid 19. Il s’imposait qu’une analyse de ce rapport soit faite du point de vue du mouvement qui fait la promotion du revenu de base garanti.
Ce spécialiste du sujet nous propose l’analyse de la Coalition Canada: basic income / revenu de base, dont il est membre.
Les retombées économiques de la pandémie de coronavirus ont montré très clairement que les programmes de sécurité du revenu du Canada ne forment pas un système bien coordonné, mais un patchwork avec de nombreuses lacunes entre les patchs. Le gouvernement fédéral et de nombreux gouvernements provinciaux ont rapidement mis au point des correctifs supplémentaires pour combler les lacunes que la pandémie a révélées. Malheureusement, certains groupes sont restés à l’écart et les nouveaux patchs ont créé des problèmes par leur interaction avec les patchs existants.
Une occasion à saisir
Cela a ouvert une fenêtre d’opportunité pour envisager un revenu de base universel comme moyen d’accroître l’exhaustivité et l’efficacité des programmes de sécurité du revenu au Canada.
Dans ce contexte, le directeur parlementaire du budget (DPB) a publié (à la demande d’un parlementaire) un rapport le 7 juillet 2020 sur le coût d’un revenu de base pandémique. L’évaluation des coûts est basée sur le projet pilote de revenu de base de l’Ontario, récemment abandonné, qui offrait aux bénéficiaires des prestations allant jusqu’à 75 % de la mesure de faible revenu, après impôt, avec un montant supplémentaire de 6 000 $ pour les personnes handicapées.
Le PBO a estimé que le coût brut (avant toute épargne) d’un revenu de base garanti de ce type se situerait entre 45,8 milliards et 96,4 milliards de dollars, selon le taux d’imposition des revenus du travail. Il a évalué des taux d’imposition de 50% (l’estimation la plus basse), 25% et 15%, l’estimation la plus élevée. Les deux taux d’imposition les plus bas sont au-delà de ce que préconisent les partisans du revenu de base, et peuvent être utilisés comme preuve d’un coût ingérable pour ceux qui s’opposent à un revenu de base.
Le DPB a envisagé un nombre limité d’économies par l’élimination des programmes d’impôts et de transferts bénéficiant aux Canadiens à faible revenu et vulnérables, probablement en partant du principe qu’ils ne seront plus nécessaires. Ces économies s’élèvent à 15,1 milliards de dollars, ce qui ramène le coût de l’option de l’impôt de 50 % sur le revenu gagné à 30,7 milliards de dollars, soit moins de 8,7 % des dépenses du gouvernement fédéral en 2019. Cependant, le coût du DPB est surestimé.
Un coût surestimé
Premièrement, il est basé sur l’inscription probable au cours des six derniers mois de l’année fiscale 2020-2021. Il est très probable que le nombre de bénéficiaires au moment où l’économie commence tout juste à se redresser soit bien supérieur au nombre moyen de bénéficiaires à long terme, voire à moyen terme.
Deuxièmement, elle ne tient pas compte des économies réalisées grâce à la suppression de certains crédits d’impôt non remboursables coûteux, qui profitent davantage aux personnes à revenu élevé qu’à celles à faible revenu. Par exemple, la suppression de l’exemption personnelle permettrait d’économiser au moins 36 978,7 millions de dollars et la suppression du crédit d’impôt pour âge et pension permettrait d’économiser 4 899,8 millions de dollars (données de 2015).
Troisièmement, il ne comprend pas les économies réalisées grâce à l’amélioration de l’état de santé ou des résultats scolaires. Les recherches sur le site de saturation de Dauphin de l’expérience Mincome des années 1970 ont révélé une diminution de 8,5 % des hospitalisations et une augmentation significative du nombre d’étudiants du secondaire qui continue leurs études. Les économies réalisées dans le domaine des soins de santé sont évidentes et l’amélioration des résultats scolaires améliorera la carrière future des étudiants et, par conséquent, augmentera les recettes fiscales du gouvernement et réduira les coûts de la sécurité des revenus.
Un revenu insuffisant
Cependant, l’estimation des coûts du DPB reflète-t-elle le type de revenu de base que nous souhaitons ? Le seuil de pauvreté de la mesure de faible revenu (la moitié du revenu médian pour une taille de famille donnée) est un objectif approprié pour une prestation maximale de revenu de base car il est fortement lié à l’état de santé physique et mentale et aux résultats du développement de l’enfant. Le modèle chiffré par le DPB ne prévoyait une prestation que de 75 % de la mesure de faible revenu. Même si cela prend du temps, notre objectif ne devrait-il pas être d’éliminer complètement la pauvreté au Canada ?
En outre, le calcul des coûts du DPB suppose que le complément de 6 000 $ couvrira les nombreux coûts exceptionnels liés au handicap, car il élimine la plupart des crédits d’impôt destinés aux personnes handicapées. Cette hypothèse peut être bonne pour certains, mais invalide pour d’autres. Par conséquent, les bénéficiaires potentiels du revenu de base devraient avoir la possibilité de continuer à bénéficier des programmes existants s’ils s’en sortent mieux.
On oublie les bénéfices
Enfin, nous ne devrions pas nous contenter d’études de coûts, mais exiger des études de coûts-avantages ou de rentabilité qui mettent l’accent sur la relation entre la valeur des résultats produits par un revenu de base et le coût de leur production. Les effets produits par un revenu de base ont une valeur réelle au niveau individuel (amélioration du bien-être), sociétal (solidarité accrue) et macroéconomique (stabilisation et renforcement de la demande globale alimentant la croissance). Nous ne devons pas nous fixer sur le coût en ignorant les bénéfices.
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