Parmi les objections qui sont fréquemment invoquées pour s’opposer au revenu de base, celle qui affirme qu’il est injuste de donner aux personnes qui sont déjà bien nanties revient souvent. Cette objection remet donc en cause l’universalité du revenu de base, c’est-à-dire le fait que tout le monde y ait droit. Ce texte entend présenter quelques arguments pour répondre à cette objection.
Avant tout, il est important de distinguer un versement ex ante d’un transfert ex post. Le revenu de base est ex ante. Il tend à égaliser tout le monde sur la ligne de départ, avant le phénomène économique. Un transfert qui vise exclusivement les moins nantis est ex post. Il tend à égaliser tout le monde sur la ligne d’arrivée. Pour la plupart des partisan/e/s du revenu de base, c’est l’impôt progressif qui fait ce travail ex post et qui va récupérer le trop.
L’alternative “ex post” au revenu de base, c’est l’impôt négatif proposé par Milton Friedman (1980). Ce système fixe un point d’imposition où une personne ne paie et ne reçoit pas d’impôts, tandis que celles qui se trouvent au-delà de ce point doivent en payer et celles qui se retrouvent en-deçà en reçoivent. Par exemple, une personne déclarant 0 $ de revenus à l’impôt recevrait 15 000 $; une autre déclarant 25 000 $ recevrait 3 000 $; une autre déclarant 40 000 $ ne paie pas et ne reçoit pas d’impôts; une autre déclarant 60 000 $ paierait 7 500 $; une autre déclarant 100 000 $ paierait 30 000 $; et ainsi de suite.
La raison pour laquelle plusieurs préfèrent le revenu de base à l’impôt négatif, c’est justement parce qu’il est ex ante. Sous un régime d’impôt négatif, la personne qui a déclaré 0 $ de revenu a dû vivre 12 mois sans un sous. Ce n’est que lors de l’année suivante, après avoir fait sa déclaration d’impôts, qu’elle obtient les 15 000 $ dont elle avait besoin l’année précédente. Et, lorsqu’elle touche son dû, si elle occupe un travail rémunéré, le versement décalé du programme de sécurité du revenu arrive tout simplement trop tard pour jouer son rôle. Un revenu de base fait l’inverse. Il donne à chaque mois une partie du montant et, si la personne devient riche, l’impôt progressif devrait récupérer ce qui est perçu en trop.
Il y a une autre alternative au revenu de base, mais qui n’en est pas vraiment une. Elle consiste à maintenir le régime en place avec des programmes ciblés. Ces programmes exigent beaucoup des prestataires. Ils doivent passer plusieurs heures par semaine à remplir des documents justificatifs pour tout et rien. Ces contrôles sont exigeants et très coûteux, tant sur le plan psychologique pour le prestataire que sur le plan économique pour la société. Le revenu de base permettrait d’éviter plusieurs, sinon l’ensemble de ces difficultés. En plus, il mettrait un terme à la stigmatisation des bénéficiaires qui sont plus souvent qu’autrement perçu/e/s comme des privilégié/e/s de la société, alors qu’il n’en est rien.
Évidemment, ce court texte ne permet pas de couvrir entièrement le sujet, ce pourquoi vous êtes invité/e/s à poursuivre la discussion ici, avec nous, ou sur les réseaux sociaux.
Revenu social universel garanti (ou RSUG), c’est sous ce nom que le
Front commun des personnes assistées sociales du Québec et le
Groupe de recherche et de formation sur la pauvreté au Québec réfléchissent à l’idée du revenu de base. Les groupes membres du Front commun ont entamé cette réflexion aussi loin que 1996. Ils ont la volonté de porter le débat sur la place publique prochainement.
Ils ont commencé à donner des formations sur le sujet. Récemment, lors du colloque
Ensemble, Autrement!, tenu par le
Collectif pour un Québec sans pauvreté, ils ont donné un atelier sur le RSUG vu du point de vue des droits humains.
Il y a une vingtaine de droits reconnus mondialement. Ce sont ceux qu’ont établis la Déclaration universelle des droits de l’homme, le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et le Pacte international relatif aux droits civiles et politiques. Cela va du droit à la vie à celui d’un niveau de vie suffisant, en passant par le droit à la santé et le droit d’expression ainsi que plusieurs autres.
Au Québec, le Ministère de l’Emploi et de la Solidarité social reconnaît neuf besoins fondamentaux : alimentation, logement, entretien ménager, soins personnels, communications, habillement, ameublement, transport et loisirs. À l’évidence, selon les données qui ont été présentées lors de l’atelier, et qui sont bien connues, ni l’aide sociale, ni les bourses et prêts pour les études, ni les prestations de chômage, ni la pension de vieillesse, ni même un emploi à temps plein au salaire minimum ne permettent de combler tous ces besoins dans la plupart des cas.
Pour le Front commun et pour le Groupe de recherche, le
Revenu social universel garanti est de l’ordre d’un nouveau droit humain. Ce serait un revenu qui répond aux mêmes critères que les autres concepts d’un tel revenu, quel que soit leur nom : il serait universel, individuel, inconditionnel, inaliénable et cumulable à tout autre revenu. Il serait particulièrement efficace pour sortir les démunis du piège de la pauvreté en leur permettant de gagner d’autres revenus sans pénalité et, comme ils auraient le même traitement que tous les autres membres de la société, ils ne subiraient plus les préjugés associés au “bien-être social”, ils seraient traités dignement, comme des citoyens à part entière.
(Voir ce
Vox pop sur le RSUG.)
Avez-vous, comme moi, le sentiment que tout n’est pas bien dans la société; que les promesses de développement, de justice sociale et d’opportunité économiques n’ont pas été réalisées? En 2015, nous avons encore tellement de pauvreté, de pollution… De nids de poule!
Nos politiciens nous proposent des réformes mineures et majeures, des investissements et de l’austérité… Avec des changements chaque année nous avons l’impression de tourner en rond; et même si nous donnons le bénéfice du doute à nos leaders, leurs réformes se confrontent à une société en pleine mutation : automatisation de l’industrie, concurrence internationale, population vieillissante, etc.
Je crois qu’il faut avoir le courage de faire de grands changements, il faut avoir le courage d’oser la liberté. La liberté, on en parle peu. Mais si vous pensez que nous habitons dans une société libre, je vous propose d’essayer de vivre sans argent. Essayez-le et dites-moi si vous êtes libres.
Nous savons que la liberté mène à la richesse. Le changement de l’aristocratie à la démocratie, le droit de vote pour les femmes ou notre propre révolution tranquille. Chaque fois qu’on libère une partie de la société, la société s’enrichit. Il est maintenant temps de faire le prochain grand pas. Depuis plus de cent ans, des penseurs proposent un revenu de base pour chaque citoyen, aussi appelé allocation universelle ou dividende citoyen. Cette idée est remarquablement simple, mais terriblement puissante.
Ce n’est pas compliqué. Un montant est transféré à chaque membre de la société – universellement et inconditionnellement. Tout le monde reçoit ce versement, qu’on soit riche ou démuni. Ça ne remplace pas le travail, mais ça le complète. Un revenu de base est un investissement dans la société, car si nous voulons libérer l’énergie de nos créateurs et de nos créatrices, de nos entrepreneurs et de nos entrepreneuses, de chacun et chacune d’entre nous, alors il faut nous donner les moyens de nous relever et de nous maintenir debout. Il faut remplacer notre filet de sécurité par une fondation solide et profonde permettant à chacun de bâtir son futur sans jamais craindre l’insécurité.
Ce versement permet à vous et à moi d’entreprendre un projet, d’aider nos familles ou d’investir dans notre éducation. Une société avec un revenu de base pour chacun sera finalement une société libre avec une égalité des chances pour tout le monde.
Comme l’investisseur Warren Buffet a dit en parlant de l’héritage qu’il lèguera à ses enfants : il faut donner à tous suffisamment pour faire ce qu’ils veulent, mais pas assez pour ne rien faire. Un revenu de base nous permettra de partager la richesse collective de notre société et de libérer le potentiel de millions de Québécois et de Québécoises.