Élections 2018 : qu’en est-il du revenu de base?

Depuis le 23 août dernier, les élections provinciales 2018 sont en cours au Québec. Revenu de Base Québec s’est penché sur les plateformes électorales des principaux partis pour en apprendre davantage sur leur position concernant le revenu de base (aussi connue sous le nom d’allocation universelle, de revenu minimum garanti, de revenu de citoyenneté, etc.). Voici un bref tour d’horizon des plateformes ou des programmes électoraux des principaux partis en lice pour les élections 2018. Avec les récentes apparitions médiatiques des projets pilotes de revenu de base en Ontario et en Finlande, ainsi que l’adoption du projet de loi 173 le 15 mai dernier, introduisant l’expression « revenu de base » pour une première fois dans un texte de loi au Québec, l’idée d’offrir l’assurance d’un revenu à chacun(e) était bien placée pour être un sujet important de la campagne électorale en cours. Pourtant, cette idée semble absente des débats et des médias qui les couvrent. Quelle position les partis ont-ils adoptée par rapport à l’idée d’un revenu de base au Québec?

Le revenu de base est dans leur plateforme

Parmi les partis qui ont dans leur plateforme électorale l’idée d’un revenu de base, nous trouvons le Nouveau Parti Démocratique du Québec (NDP-Qc), le Parti Vert du Québec (PVQ) et Québec Solidaire (QS). Ces partis présentent toutefois des formes différentes de revenu de base.

NDP-Qc : www.lenpdq.org

D’abord, le NPD-Qc nous parle d’un revenu universel garanti ou d’un revenu de citoyenneté, bien qu’on ne semble pas faire de distinction entre ceux-ci. Cette idée est présentée sous la rubrique Politiques sociales et lutte à la pauvreté de leur plateforme. Elle se pose comme un devoir de « repenser et [de] simplifier [les] politiques de solidarité sociale et de soutien au revenu » (§ 5, p. 25). Ainsi, on dit qu’on veut lutter contre la pauvreté, la stigmatisation et le piège à la pauvreté, mais aussi contre la précarité qui touche particulièrement les jeunes et les femmes. Ce parti prévoit une stratégie d’implantation sur 10 ans avec une évaluation périodique des résultats en ce qui concerne la réduction de la pauvreté.

PVQ : www.pvq.qc.ca

Ensuite, le PVQ nous présente l’idée d’un revenu minimum garanti (RMG) dans sa plateforme, au chapitre sur l’Économie : Justice économique. Sortir l’ensemble du Québec de la pauvreté. On y fait la proposition d’un RMG de 1200$ par mois pour l’ensemble des résidents, avec « une exemption de travail de $600 par mois afin de permettre aux personnes de travailler à temps partiel sans compromettre leur accès au programme » (p. 92). Il est aussi précisé qu’« à terme » le programme d’aide sociale serait remplacé et que les personnes ayant une maladie ou un handicap physique ou mental recevraient un montant supérieur à celui prévu.

QS : www.quebecsolidaire.net

Enfin, QS nous propose aussi l’idée d’un RMG dans sa plateforme, sous leur proposition phare #5 – Pour éliminer la pauvreté et répartir la richesse. Il nous propose de lancer un projet pilote dans plusieurs villes ayant un taux important de ménages sous le seuil de faible revenu. Ce RMG inconditionnel est censé remplacer, aussi « à terme », le programme d’aide sociale en « couvrant les besoins de base » (§ 5.2, a)). On annonce aussi qu’on augmenterait les prestations d’aide sociale durant l’expérimentation environ à 1000$ par mois et à 1500$ pour les personnes ayant des contraintes sévères à l’emploi (La Presse Canadienne, 12 septembre 2018).

Le revenu de base n’est pas dans leur plateforme

Parmi les principaux partis qui n’ont pas le revenu de base dans leur plateforme, on peut trouver : le Parti Libéral du Québec (PLQ), le Parti Québécois (PQ) et la Coalition Avenir Québec (CAQ). Qu’en est-il néanmoins de leur position face au projet de loi 173 – Loi visant à instaurer un revenu de base pour les personnes ayant des contraintes sévères à l’emploi?

PLQ : www.plq.org

Le plus étonnant dans cette liste, c’est que le PLQ ne l’ait pas (encore?) adopté dans son programme, alors qu’il a tenu un Forum des idées sur ce thème l’an dernier, qu’il est l’instigateur du projet de loi 173. Ce projet de loi introduit pour la première fois l’expression « revenu de base » dans un texte de loi québécois qui vise strictement les personnes considérées « inaptes » à l’emploi depuis au moins 66 des 72 derniers mois. Adopté le 15 mai 2018, il propose de faire passer les prestations d’aide sociale de 12 500$ à environ 18 000$ après cinq ans, soit en 2023 (PLANTE, 2018). On dit aussi que les prestations seront individualisées et que le contrôle des ressources sera assoupli (MTESS, 2018).

PQ : www.pq.org

Il s’en est suivi des critiques, entre autres venant du PQ, par rapport au délai de 66 mois avant d’accéder au programme de revenu de base, créant ainsi une « troisième catégorie de pauvres » (PLANTE, 2018). Il n’en demeure pas moins qu’on ne parle d’aucunes formes de revenu de base dans leur plateforme. Dans leur programme, on propose toutefois de diminuer l’impact sur l’aide sociale des actifs, de la situation maritale et des pensions alimentaires versées aux enfants (Chp. 5, §9, 5e) et f)).

CAQ : www.coalitionavenirquebec.org

Quant à la CAQ, son attaché de presse affirmait que le Parti se positionnerait dans son programme électoral (BÉLAIR-CIRINO, 2018). À ce jour (12 septembre 2018), la plateforme de la CAQ n’indique rien en ce qui a trait au revenu de base, quel qu’il soit – celui du PLQ ou, plus généralement, celui qui vise à garantir à tout le monde un revenu. La CAQ parle seulement d’offrir un « meilleur soutien pour les personnes ayant des contraintes sévères à l’emploi par le biais des organismes communautaires concernés » (cf. CAQ, « Solidarité », Nos Idées). Autrement, ce Parti propose aussi que les pensions alimentaires pour enfants n’affectent plus les montants accordés à l’aide sociale (cf. CAQ, Actualités, 8 mai 2018).

Invitation

Voilà le bref tour d’horizon de Revenu de Base Québec en ce qui a trait à la présence du thème du revenu de base (minimum, garanti, universel ou de citoyenneté) chez les principaux partis concurrents pour les élections provinciales 2018. Nous savons qu’il reste encore plusieurs jours avant le 1er octobre et que la plupart des partis qui occupent l’espace médiatique n’ont pas adopté de position claire sur l’enjeu du revenu de base. Nous invitons donc les partis à se positionner clairement sur l’idée d’adopter un montant versé sans condition à chaque personne, incluant celles jugées aptes ou pas à travailler.

Références

Bélair-Cirino, Marco, 2018, « La solidarité sociale et le test électorale », LeDevoir.com, 26 janvier 2018. [URL : https://www.ledevoir.com/politique/quebec/518504/surtitre-la-solidarite-sociale-en-annee-electorale] La Presse Canadienne, « Québec solidaire évoque le revenu minimum garanti », LeDevoir.com, 12 septembre 2018. [URL : http://www.lapresse.ca/actualites/elections-quebec-2018/201809/12/01-5196294-quebec-solidaire-evoque-le-revenu-minimum-garanti.php?] Ministère du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité Sociale (MTESS), 2018, « Plan d’action gouvernemental pour l’inclusion économique et la participation sociale 2017-2023 – Adoption à l’unanimité du projet de loi no 173 : Québec confirme son leadership en matière de politiques sociales », Communiqué de presse, 15 mai 2018. [URL : http://www.fil-information.gouv.qc.ca/Pages/Article.aspx?idArticle=2512105309] PLANTE, Caroline, 2018, « Dépôt d’un projet de loi pour instaurer un revenu minimum garanti », LaPresse.ca, 14 mars 2018. [URL : http://www.lapresse.ca/actualites/politique/politique-quebecoise/201803/14/01-5157314-depot-dun-projet-de-loi-pour-instaurer-un-revenu-minimum-garanti.php]

Un texte de Michael Laitman

Michael Laitman

Merci à Josia Nakash qui nous a fait connaître ce texte


Note sur l’auteur. Michael Laitman est Professeur en Ontologie, PhD en Philosophie et Kabbale, et MSc en Biocybernétique Médicale. Il était le disciple le plus notoire du kabbaliste, Rav Baruch Ashlag (le RABASH). Prof. Laitman a écrit plus de 40 livres, traduits dans une douzaine de langues. ——————————————————————- L’avenir de l’emploi : travailler à devenir humain Malheureusement, 33 000 employés de Toys“R”Us sont sur le point de rentrer chez eux. Ils emballeront la photo de vacances familiale accrochée au mur de leur bureau dans une boîte en carton, prendront un jouet ou deux comme souvenirs et rentreront chez eux à contrecœur. Ils se joindront à la liste croissante des centaines de milliers de personnes qui perdent leur emploi, non pas parce qu’ils doivent accroître leur rendement ou perfectionner leur éthique de travail, mais simplement parce qu’ils ne sont plus indispensables. De plus en plus de produits sont fabriqués par des robots, ce qui est plus rentable pour les entreprises, mais aussi moins coûteux pour les consommateurs, qui peuvent commander en ligne d’un simple mouvement du doigt. Toys“R”Us n’est qu’un exemple parmi d’autres du tsunami technologique virtuel qui s’abat sur le monde des affaires. Il apparaît sous la forme de sociétés géantes comme Amazon, Alibaba, Google et leurs partenaires commerciaux, piétinant tous les domaines du commerce possible : commerce de détail, banque, habillement, alimentation, publicité et plus encore. Et cette vague ne s’arrête pas au secteur privé, elle emporte aussi le secteur public. Par exemple, Warren Buffett, Jeff Bezos et Jamie Dimon sont déjà en coentreprise pour réinventer les soins de santé. Bien qu’elle puisse sembler une révolution silencieuse, elle promet un tremblement de terre socio-économique comme jamais vu auparavant. Le virtuel technologique du futur prend peu à peu le dessus sur les fondements mêmes du monde économique. Il est devenu normal de parler de questions comme le remplacement du travail humain par des robots, mais nous n’avons pas encore pris conscience de l’ampleur de ce changement. Beaucoup de politiciens, d’économistes et d’analystes voient cela comme une autre révolution industrielle qui va de pair avec les douleurs de l’enfantement, donnant naissance à toute une série de nouvelles professions, et prédisent qu’il en résultera une nouvelle économie en pleine expansion. Ce point de vue est certes encourageant. Mais il est basé sur une compréhension limitée des nouvelles technologies qui se développent à une vitesse exponentielle. Aujourd’hui même, nous pourrions automatiser 45 % des tâches pour lesquelles les gens sont payés aux États-Unis avec des technologies existantes. Ce ne sont pas des machines sophistiquées qui remplacent nos mains et nos pieds au travail. Il s’agit de l’intelligence artificielle en voie de développement qui remplacera progressivement l’intelligence humaine. L’intelligence artificielle pensera de manière créative, produira, analysera, développera, programmera et travaillera beaucoup plus efficacement que l’employé le plus talentueux, tout en étant beaucoup moins cher et facile à utiliser. L’intelligence artificielle peut apprendre et se perfectionner beaucoup plus rapidement que la capacité d’une personne à se recycler, et finira par remplacer le travail humain partout : scientifiques, médecins, programmeurs, concepteurs, experts financiers, gestionnaires des ressources humaines. Seule une fraction de la main-d’œuvre sera nécessaire pour faire fonctionner et étalonner les diverses machines intelligentes et les logiciels avancés. Révolutionnons la société – Sans les fourches Si nous pouvons sonder l’avenir de la technologie, nous pouvons tout de suite voir la crise sociale imminente. Les masses entreront dans le chômage pour une durée illimitée et l’économie moderne n’aura pas de réponses à leur proposer. Les modèles économiques actuels peuvent difficilement faire face à un taux de chômage de 15 %. Que se passera-t-il lorsque le taux de chômage atteindra 30 %, 40 % et 50 % ? Cela n’est pas comptabilisé dans l’économie actuelle. Si nous nous contentons de penser positivement, en espérant que cela se traduira par magie dans une nouvelle économie en plein essor, nous courons le risque d’une grave crise du chômage. Et lorsque des masses de gens n’ont aucun espoir de subvenir à leurs besoins de base ils ne restent pas tranquillement assis chez eux. Sans espoir, les gens peuvent se tourner vers la violence, l’extrémisme et le soutien de dirigeants radicaux qui offriront la sécurité économique pour accéder au pouvoir, comme cela s’est produit dans le passé. Par contre, si nous planifions à l’avance, nous pouvons révolutionner la société – sans révolution. Plus vite nous reconnaîtrons l’inévitable refonte de notre infrastructure socio-économique, c’est-à-dire que les emplois n’existeront plus dans le même sens qu’auparavant, plus nous serons confrontés à la nécessité de subvenir aux besoins fondamentaux de tous les membres de la société. Que ce soit par le biais d’une forme de Revenu de Base Universel ou de tout autre mécanisme technique, nous devons comprendre qu’un changement des valeurs sociales est au cœur du problème : les dirigeants de chaque pays doivent reconnaître que la satisfaction des besoins fondamentaux de chaque citoyen – nourriture, logement, vêtements, éducation et santé – est leur priorité absolue. Mais que redonneront les gens à la société ? Si quelques heures de travail suffisent à l’entretien des machines, que feront les êtres humains ? Ils seront occupés à « être humains », c’est-à-dire à se développer eux-mêmes, leurs familles, leurs sociétés et tout ce qui fait de nous des êtres humains plutôt que des robots. Le véritable moteur de la technologie, c’est l’évolution humaine La révolution technologique n’est pas accidentelle, et elle n’est pas technologique. C’est une révolution évolutionnaire. Son but est l’évolution de la société humaine. Elle nous aidera à sortir de la course sans fin, alimentée par une obsession matérielle qui ne nous rend pas vraiment heureux, une course-poursuite 24 heures sur 24 qui a créé une société de petits rouages dans des entreprises géantes, accumulant le stress et la corrosion, tout en perdant le contact avec les autres et avec eux-mêmes. Au lieu d’investir notre énergie à travailler comme des machines, nous nous engagerons dans le seul travail qui rende les humains différents des machines. Dans une société libérée de la poursuite cyclique de l’acquisition matérielle, nous investirons une grande partie de notre temps au quotidien : à étudier, à faire de l’exercice et à cultiver le sens de la connexion humaine naturelle qui nous lie les uns aux autres. Lorsque des masses de gens le feront régulièrement, comme nouveau travail, une nouvelle société émergera. Son produit sera l’énergie sociale positive nécessaire à la préservation de l’équilibre sociétal. Ce sera une société dont le travail quotidien des membres consiste à maintenir le sens de l’unité et de la solidarité qui prévient la violence et l’extrémisme, permettant aux humains de commencer à vivre ensemble dans la paix. Ce travail peut être fait avec une créativité illimitée, ce qui permet aux gens de mettre en pratique leur passion et leur désir, à condition de contribuer à un climat social convivial et chaleureux. Mais il faut commencer par la formation et l’éducation de base sur la science des liens humains, apprendre comment des liens sociaux positifs nous rendent plus sains, plus heureux et plus efficaces dans tout ce que nous entreprenons. Certes, tout ceci semble étranger dans un monde où nous avons été entraînés par des publicitaires à pourchasser des choses dont nous n’avons pas besoin, pour impressionner des gens avec lesquels nous ne pouvons pas nous relier. Mais lorsque les besoins matériels sont pris en charge, la nature humaine exige une forme de satisfaction plus profonde et plus significative. Ce n’est pas un hasard si les études sur le bonheur révèlent à maintes reprises que les relations sociales saines sont le facteur déterminant de l’épanouissement de l’être humain. Notre développement naturel et social nous pousse à utiliser notre connectivité humaine, à la diffuser par un travail constant sur nos relations et à évoluer vers une nouvelle réalité sociale. Plutôt que de rivaliser avec des robots pour un emploi de la vieille école, faisons de notre travail la seule fonction qu’aucun robot ne remplacera jamais, et trouvons le genre de bonheur que l’argent n’achètera jamais.

Conférence de Philippe Van Parijs à Concordia

Robert Daoust nous a envoyé, récemment, à quelques militants de Revenu de base Québec, du Mouvement français pour un revenu de base et d’Algosphère, cet excellent compte-rendu d’une conférence de Philippe Van Parijs à l’Université Concordia, une conférence que nous avons manquée, malheureusement. Mais, heureusement, il accepté que nous le citions entièrement.
Bonjour Luc, Christian, Sylvie, Jean-Christophe,
Philippe Van Parijs était de passage au Québec hier pour donner une conférence à l’université Concordia. Je croyais que beaucoup de gens intéressés par le revenu universel seraient là mais il n’y avait plutôt qu’une quarantaine de personnes étudiant en éthique. L’annonce a dû être plus limitée que je pensais.
Il a d’abord rappelé trois événements qui ont amené beaucoup de visibilité récemment à l’idée du revenu universel : le référendum en Suisse (suite à un mouvement commencé en Allemagne lors des élections de 2006), le projet-pilote en Finlande et la campagne française pour la présidence. Il se félicite du résultat en Suisse, trouvant qu’au pays de Calvin près de 25% en faveur du revenu universel est un bon score. Il n’attend pas grand chose de la Finlande parce que le projet est mal ficelé, mais est heureux de la visibilité. En France, ce fut une occasion inespérée de faire avancer la cause, malgré que Hamon ait été mal conseillé, d’après lui, par le couple Piketty et Cagé qui ont voulu faire passer une formule d’impôt négatif pour un revenu universel.
Il a ensuite raconté comment lui était venu la passion pour l’idée du revenu universel. Il était, vers 1982, dans un panel entre deux économistes. Le marxiste a parlé élogieusement du revenu universel en déplorant que la société capitaliste ne pourrait jamais faire cela. Le capitaliste a répondu qu’au contraire les grandes idées socialistes comme la sécurité sociale ou le welfare state avaient été réalisées par les sociétés capitalistes et qu’il pouvait parfaitement en aller de même du revenu universel, mais que cela ne se ferait jamais parce que le problème en était plutôt un d’éthique liée au travail.
Philippe Van Parijs a trouvé dans la litérature beaucoup d’arguments en faveur du revenu universel. Il a été grandement déçu cependant quand dans une conférence John Rawls a déclaré que les surfers de Malibu ne devaient pas être éligibles à une telle allocation. À la recherche d’un contre-argument, il s’est alors tourné vers les surplus accumulés dans l’économie depuis l’ère capitaliste, surtout avec l’augmentation de la productivité du travail, pour en arriver à dire que cet “héritage” commun devait être distribué également (ou en suivant le principe du maximin) entre tous les individus.
Plus tard, Van Parijs (de l’Université catholique de Louvain) a exposé un autre argument tiré du deuxième épître de Paul aux Thessaloniciens :
1 Au reste, frères, priez pour nous, afin que la Parole du Seigneur poursuive sa course et soit glorifiée, comme elle l’est aussi parmi vous ; 2 et que nous soyons délivrés des hommes déréglés et méchants ; car tous n’ont pas la foi. 3 Mais le Seigneur est fidèle, qui vous affermira et vous préservera du mal. 4 Et nous avons cette confiance en vous dans le Seigneur, que vous faites et que vous ferez les choses que nous vous recommandons. 5 Mais que le Seigneur dirige vos cœurs vers l’amour de Dieu et vers la patience de Christ ! 6 Or, nous vous recommandons, frères, au nom de notre Seigneur Jésus-Christ, de vous retirer d’avec tout frère qui vit d’une manière déréglée, et non selon l’enseignement qu’ils ont reçu de nous. 7 Car vous savez vous-mêmes comment vous devez nous imiter, puisque nous ne nous sommes point conduits d’une manière déréglée parmi vous, 8 et que nous n’avons mangé gratuitement le pain de personne ; mais, dans la fatigue et dans la peine, travaillant nuit et jour, pour n’être à charge à aucun de vous. 9 Ce n’est pas que nous n’en eussions le droit ; mais c’est pour nous donner nous-mêmes en exemple à vous, afin que vous nous imitiez. 10 Et en effet, lorsque nous étions auprès de vous, nous vous déclarions ceci, que si quelqu’un ne veut pas travailler, il ne doit pas non plus manger. 11 Car nous apprenons qu’il y en a quelques-uns parmi vous qui vivent d’une manière déréglée, qui ne travaillent point, mais s’occupent de choses vaines. 12 Or nous recommandons à ceux qui sont tels, et nous les exhortons dans le Seigneur Jésus-Christ, que, travaillant paisiblement, ils mangent leur propre pain. 13 Mais pour vous, frères, ne vous découragez pas en faisant le bien. 14 Et si quelqu’un n’obéit point à ce que nous vous disons par cette lettre, signalez-le, et n’ayez point de communication avec lui, afin qu’il en ait de la confusion. 15 Toutefois ne le regardez pas comme un ennemi, mais avertissez-le comme un frère. 16 Or, que lui-même, le Seigneur de la paix, vous donne la paix en tout temps, de toute manière ! Le Seigneur soit avec vous tous ! 17 La salutation est de ma propre main, à moi Paul, ce qui est un signe en chaque lettre ; j’écris ainsi. 18 La grâce de notre Seigneur Jésus-Christ soit avec vous tous !
En substance, semble-t-il, Paul dit que si quelqu’un ne veut pas travailler, qu’il ne mange pas non plus, et haro donc sur les surfers de Malibu ! Mais, en lisant le contexte, il faut comprendre, d’après Van Parijs, qu’il y a une différence entre le devoir légal et le devoir moral de travailler : Paul dit qu’il faut travailler pour donner l’exemple de la vertu, et non pas qu’est inexistant le droit de ne pas travailler et d’être quand même nourri — dont lui-même pourrait se réclamer alors qu’il préfère travailler manuellement pour donner l’exemple.
Cela me semble personnellement un argument de Jésuite, mais bon, si cela peut convaincre les moralistes… Qu’il y ait un devoir moral de travailler, j’en conviens, mais s’il faut lier la morale au droit de manger, nous sommes tous morts à brève échéance ! C’est plutôt là que je vois le contre-argument cherché : si la loi du groupe n’assure pas la subsistance de chacun, le cadre qui oriente nos actions c’est la lutte contre la souffrance, de chacun contre tous, plutôt que l’allègement de la souffrance, de tous pour chacun.
Suite à la conférence, j’ai demandé à Philippe Van Parijs s’il avait entendu parler de la proposition de Guy Caron, leader parlementaire du NPD à Ottawa, pour une forme de revenu universel au Canada. Non. Je m’étonne de n’avoir pu trouver encore aucune analyse critique de cette proposition : avez-vous des nouvelles à ce sujet ?
J’ai évoqué la Lettre ouverte à l’Organisation des Nations unies en racontant un peu comment était apparue au Forum social mondial l’idée d’un revenu universel mondial, en commençant par les réfugiés que le projet du HCR devrait couvrir pour 2020, et comment depuis nous étions en relation avec le BIEN, les Brésiliens, le MFRB… Quand j’ai mentionné l’abolition de l’héritage, Van Parijs s’est dit catégoriquement contre une telle idée, en particulier parce qu’il faudrait alors interdire aussi la donation entre vifs. Nous avons échangé un peu sur cela, mais nous ne pouvions guère aller bien loin dans les circonstances. La conversation a pris fin sur une réitération de son opposition à la fin de l’héritage.
La grande affaire à propos du revenu universel semble celle de l’éthique liée au travail. J’ai l’impression que la plupart des gens dans notre culture sont pris au piège d’un égo qui doit entretenir son auto-construction in-dépendante, sous peine de manquer de la validité requise devant autrui.
L’important, me semble-t-il, alors que les changements à venir sont encore nombreux avant que nous soyons enfin sortis du pétrin, est de marcher dans une bonne direction, orientés selon un cadre collectif approprié.
Amitiés,

Le revenu de base du Québec n’en porte que le nom. Mais la graine est semée.

Les 3 points forts et les 3 points faibles du plan du gouvernement.

Aussitôt annoncé, aussitôt critiqué, le plan de lutte contre la pauvreté du gouvernement du Québec est loin de faire l’unanimité. Certains parlent de marketing et ils ont raison, la mention du revenu de base est en grande partie un effet d’annonce. Si on lit entre les lignes, il s’agit essentiellement d’un relèvement des prestations du programme de Solidarité sociale. Pourtant il y a quand même des raisons de se réjouir. Si le marketing a une connotation négative en politique, c’est aussi un outil puissant pour faire la promotion d’une idée. Un embryon de revenu de base est né au Québec, la graine est semée. Voici un court aperçu des points positifs et négatifs de l’annonce du gouvernement:

Les points faibles :

1. Ce revenu de base n’en a que le nom. Il ne s’addresse qu’à 1% de la population du Québec et est associé de conditions très restrictives (être sur la Solidarité sociale depuis plus de 5 ans) et n’est même pas individuel puisqu’un couple recevra seulement 140% du montant alloué à une personne seule. Il est cumulable avec les aides existantes et ne remplace aucun autre programme. Mais si les bénéficiaires retournent à l’emploi, ils perdront ce revenu de base. En résumé, c’est une bonification du programme de Solidarité sociale. 2. Le gouvernement a profité de cet effet d’annonce pour masquer l’extrême faiblesse du reste du programme. Si l’attention a été portée sur les plus fragiles de la société, la précarité d’une frange beaucoup plus grande de la population va empirer. Avec une augmentation d’à peine 5.8% au cours des 4 prochaines années (même pas l’inflation !) pour les personnes seules et un maigre 4% pour les couples, le gouvernement veut délibérément garder ce groupe de la population sous le seuil de pauvreté pour les pousser à l’emploi. Une stratégie qui a prouvé son inefficacité. Le gouvernement en vient même à se féliciter de l’écart qui va s’agrandir entre le revenu disponible des travailleurs au salaire minimum et des personnes sans emploi ! 3. La complexification des programmes d’aide sociale. Loin de simplifier les démarches, on ajoute un nouveau programme. Les modalités pour le toucher ne sont pas encore claires, celles qui encadrent la sortie de ce programme encore moins. Si comme le gouvernement l’entend, seules les personnes qui sont sur le programme de Solidarité sociale depuis au moins 5 ans pourront le toucher, il pourrait y avoir un effet pervers de désincitation à retourner sur le marché de l’emploi à la perspective d’obtenir ce revenu de base.

Les points forts :

1. Une réponse à l’urgence de la situation des plus démunis et une reconnaissance que la réinsertion par le travail n’est pas toujours la meilleure solution. Les chiffres du gouvernement sont sans appel, après plus de 5 ans sur la Solidarité sociale presque aucun des bénéficiaires n’en sort. Il existe une frange de la population, pour des raisons aussi diverses qu’il n’y a de cas, qui ne peut accéder au marché du travail. Aujourd’hui le Québec prend enfin acte de cette réalité et s’engage à améliorer la vie de ces gens en rehaussant l’aide qui leur est accordée. Au delà du revenu de base, Québec annonce une hausse de toute une série d’aides aux plus démunis, en passant des mesures destinées au logement, à la jeunesse, la nutrition, la petite enfance, etc. On ne peut que s’en réjouir. 2. La création officielle d’un revenu de base. Pour la première fois, cette notion va rentrer dans la loi du Québec. Le Québec s’engage sur le chemin du revenu de base en reconnaissant que c’est une solution d’avenir. La mention que ce n’est que la première étape est présente dans l’introduction du rapport, même si évidemment, ça n’apporte aucune garantie. Le gouvernement cite les chercheurs belges Van Parijs et Vanderborght: Essayer d’en arriver d’un seul coup à un revenu de base « complet » pour tous, peu importe sa définition, serait de toute façon irresponsable. Il y a une différence entre, d’un côté, la prochaine étape, qui nécessite un consensus compte tenu des conséquences probables, et, de l’autre, le niveau du revenu de base pouvant raisonnablement être présenté comme objectif, utopie mobilisatrice, but ultime. Philippe Van Parijs et Yannick Vanderborght – Basic Income: A Radical Proposal for a Free Society and a Sane Economy, 2017. 3. Le montant initial plutôt élevé, quand il est cumulé à la Solidarité sociale. En 2023, les bénéficiaires du revenu de base toucheront plus de 1 500$ par mois dont 440$ proviendront du revenu de base directement. Dans les faits, le Québec se dote d’un objectif, d’un plancher à partir duquel on considère qu’on sort effectivement quelqu’un de la pauvreté. Si à l’avenir le revenu de base devait remplacer les programmes existants, il faudra le fixer à 1 500$ pour ne pas nuire aux plus pauvres. De nombreux journalistes ont relevé que ce programme faisait plus ou moins fonction de programme électoral pour le Parti Libéral en vue des élections de 2018. Le revenu de base est désormais au centre de la scène politique et on peut espérer que les autres partis politiques ne vont pas laisser le PLQ récupérer entièrement cette innovation sociale. Quelle sera la vision de ce revenu de base par Québec Solidaire, la Coalition Avenir Québec et le Parti Québécois ? Est-ce que certains d’entre eux iront plus loin que ce que propose le Parti Libéral ? Revenu de base Québec entend bien faire partie du débat, en continuant à informer les Québécoises et Québécois sur le sujet et en poussant les partis politiques à adopter une position la plus ambitieuse possible.